Leningrad / Saint-Pétersbourg dans les années 1990 : une métamorphose historique
1. Contexte général
Au début des années 1990, la ville s’appelle encore Leningrad, mais après un référendum tenu en septembre 1991, elle reprend officiellement son nom d’origine : Saint-Pétersbourg.
La décennie est marquée par :
- l’effondrement de l’Union soviétique,
- une transition économique brutale,
- des pénuries et une montée des inégalités,
- une renaissance culturelle portée par l’esprit historique et artistique de la ville.
Saint-Pétersbourg connaît des difficultés similaires à Moscou, mais avec une atmosphère particulière : plus européenne, plus artistique et plus fragile économiquement.
2. Population
Dynamique démographique
- En 1990, la ville compte environ 5 millions d’habitants, chiffre relativement stable sur la décennie.
- La population vieillit, conséquence des difficultés économiques et de la baisse des naissances.
- Les migrations internes sont importantes : beaucoup quittent la ville pour chercher du travail ailleurs, tandis que d’autres arrivent des anciennes républiques soviétiques.
Conditions de vie
- Fortes pénuries alimentaires au début de la décennie.
- Logements datés, souvent mal chauffés : de nombreux immeubles hérités de l’époque soviétique nécessitent des réparations urgentes.
- Montée de la pauvreté et de l’insécurité.
3. Travail et économie
Une économie en difficulté
- Saint-Pétersbourg dépend davantage de son industrie lourde que Moscou : chantiers navals, usines d’armement, transports.
- La transition au capitalisme provoque des fermetures massives et des licenciements.
- Les salaires deviennent irréguliers ; certaines entreprises paient avec plusieurs mois de retard.
Économie parallèle
- Marchés informels (comme le marché de Kuznechny) deviennent incontournables.
- Apparition de réseaux criminels proéminents, les fameux “bandits des années 90”, particulièrement influents dans le commerce et la protection.
Premiers investissements privés
- Quelques entreprises occidentales arrivent, attirées par le prestige de l’ancienne capitale impériale, mais les investissements demeurent limités durant cette décennie.
4. Politique
Une ville réformiste
Saint-Pétersbourg devient un laboratoire politique :
- Anatoli Sobtchak, élu maire en 1991, incarne le mouvement libéral.
- Ses adjoints incluent des figures qui deviendront majeures sur la scène nationale, dont Vladimir Poutine, alors responsable des relations internationales de la mairie.
Instabilité et tensions
- Conflits entre réformateurs et conservateurs.
- Corruption et influence mafieuse s’infiltrent dans l’administration.
- En 1996, Sobtchak perd les élections, marquant la fin de l’élan réformateur initial.
5. Géographie et urbanisme
Héritage impérial et dégradation
- La ville conserve son plan majestueux hérité de Pierre le Grand : larges perspectives, canaux, palais baroques et néoclassiques.
- Mais une grande partie du patrimoine architectural est en mauvais état :
- façades délabrées,
- infiltrations,
- monuments peu entretenus.
Transport et infrastructures
- Métro performant mais saturé.
- Routes et réseaux urbains souffrent d’un manque d’entretien chronique.
Transformations
- Début de la restauration de la Perspective Nevsky et de certains palais.
- Essor progressif des cafés, bars et lieux culturels, redonnant vie à la ville.
6. Histoire et mémoire
Retrouvailles avec l’identité pétersbourgeoise
- La fin du nom “Leningrad” symbolise un retour aux racines impériales et culturelles.
- Forte fierté locale de renouer avec la tradition artistique, littéraire et aristocratique.
Années charnières
- 1991 : la ville reprend officiellement le nom de Saint-Pétersbourg.
- Années 1993–1995 : criminalité très élevée, période souvent décrite comme la “mafia pétersbourgeoise”.
- 1998 : crise financière russe, aggravant la pauvreté.
Mémoire collective
À travers ces difficultés, les habitants conservent un fort sentiment de dignité et de résilience, héritage de l’histoire dramatique de la ville (blocus, guerres, révolutions).
Conclusion
Dans les années 1990, Leningrad redevenue Saint-Pétersbourg est une ville :
- éprouvée par la transition économique,
- fragilisée sur le plan social,
- politiquement expérimentale,
- architecturalement dégradée mais artistiquement vibrante,
- habité par un profond attachement à son passé impérial.
Cette décennie prépare le renouveau des années 2000, lorsque la ville connaîtra une restauration massive de son patrimoine et un retour de la stabilité.
